Des députés du Parlement européen commandent un brevet unitaire au père Noël

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Bruxelles, le 20 décembre 2011. Communiqué de presse.

Les députés de la commission des Affaires juridiques (JURI) du Parlement européen ont entériné1 un accord, négocié à huis clos2 avec le Conseil, sur l'introduction d'un brevet unitaire et d'une juridiction unifiée des brevets. Ce vote n'a pas résolu les sérieux problèmes juridiques de ce projet, susceptibles de faire annuler le règlement par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). En outre, l'architecture du brevet unitaire, telle que votée aujourd'hui, trahit l'abandon par le législateur européen de son pouvoir de décision sur la politique européenne de l'innovation au profit de l'Office européen des brevets (OEB), un organisme international extra-communautaire connu pour favoriser les brevets logiciels au mépris de l'esprit et de la lettre du droit européen3 .

Gérald Sédrati-Dinet, conseiller bénévole en matière de brevets pour l'April, a commenté le vote d'aujourd'hui comme n'étant « rien de plus qu'une lettre au père Noël : vous savez que ce que vous demandez n'est pas réaliste et voué à l'échec, mais vous le désirez tellement que vous demandez néanmoins l'impossible. ».

En effet, la majorité des membres de la commission JURI4 ont approuvé les yeux fermés l'accord conclu avec le Conseil sur le « paquet brevet », comprenant deux règlements de l'UE mettant en place un brevet unitaire et les modalités linguistiques associées, ainsi qu'une convention internationale instaurant une cour unifiée des brevets. Depuis plus de 60 ans, l'UE court après un tel titre de brevet unique couvrant l'ensemble de son territoire et qui serait applicable en justice devant un tribunal unique. Le commissaire Barnier n'a de cesse d'obtenir un résultat à tout prix, là où tous ses prédécesseurs ont échoué5. Ceci pourrait expliquer pourquoi le vote d'aujourd'hui a été hâté, tant que les rapporteurs pour le Parlement européen ont un accord politique avec la présidence polonaise du Conseil.

Cependant, dès que le règlement sur le brevet unitaire a été proposé par la Commission6, l'April a averti qu'il soulevait de sérieuses inquiétudes quant à sa conformité vis-à-vis des traités de l'Union. Qui plus est, l'association de promotion du logiciel libre avait alors alerté les eurodéputés sur le fait que la mise en œuvre actuelle renforcerait les pouvoirs de l'Office européen des brevets, dont la jurisprudence interne a conduit à délivrer des brevets logiciels et à dénaturer le rôle des brevets, initialement destinés à promouvoir l'innovation, en favorisant leur utilisation pervertie en tant qu'armes de guerre économique.

« Une supervision de la CJUE est inévitable7 et indissociable d'un brevet créé par l'UE. Le règlement mettant en place un tel brevet de l'UE ne peut donc pas échapper à inscrire dans le droit les règles permettant à l'UE de couvrir le droit des brevets et d'apporter des garanties démocratiques à la gouvernance du système européen des brevets. Si le Parlement européen venait à confirmer en séance plénière le texte actuel, le brevet unitaire serait voué à être mort-né. Dans le contexte actuel de la crise de l'Euro, l'UE ne peut pas se permettre un tel échec. », conclut Gérald Sédrati-Dinet.

Le vote du Parlement européen est prévu pour la séance plénière de février, à moins que l'on accélère davantage le projet pour le faire passer en janvier. Le Conseil doit également l'approuver, alors que la présidence polonaise a récemment annulé8 une cérémonie prévue pour le lancement de la cour unifiée des brevets.

L'April invite instamment les législateurs de l'UE à ne pas entériner les yeux fermés le texte actuellement déficient et à ne pas laisser passer l'occasion pour l'UE de reprendre le contrôle de sa politique d'innovation. L'April a proposé des amendements9 à cet effet.

À propos de l'April

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