Critiques de la gouvernance de l'Office européen des brevets

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Alors que la proposition initiale de la commission d'un règlement sur le brevet unitaire donne à l'Office européen des brevets (OEB) un rôle central dans l'octroi et l'administration de ce brevet unitaire, la gouvernance de l'OEB est l'objet de sévères critiques, provenant notamment d'universitaires, du personnel de l'OEB, d'études gouvernementales, du Parlement européen ou de la Commission elle-même. Les citations rassemblées sur cette page tendent à prouver que l'UE devrait saisir l'opportunité du règlement sur le brevet unitaire pour s'atteler au problème de la gouvernance du système européen des brevets.

Table des matières 
  1. Résolution du Parlement européen sur la décision de l'Office européen des brevets concernant la délivrance du brevet no EP 695 351, le 8 décembre 1999 (P5_TA(2000)0136), le 30 mars 2000
  2. Position du Parlement européen arrêtée en première lecture le 24 septembre 2003 en vue de l'adoption de la directive 2003/…/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur (P5_TC1-COD(2002)0047), le 24 septembre 2003
  3. « L'économie de l'immatériel - La croissance de demain », rapport de Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de la France, le 16 mars 2006
  4. Résolution du Parlement européen sur la future politique des brevets en Europe (P6_TA(2006)0416), le 12 octobre 2006
  5. Présentation d'Ingrid Schneider, chercheuse en science politique à l'Université de Hambourg, à l'atelier organisé par le STOA (comité d'évaluation des choix scientifiques et technologiques du Parlement européen) sur les options politiques pour le système des brevets européen, le 9 novembre 2006
  6. Borrás, Susana (2006): « La gourvernance du système européen des brevets : efficace et légitime ? » dans Economy and Society, Volume 35, no. 4, pp. 594-610.
  7. Documents transmis par la Commission européenne à des PME lors d'une consultation en 2006 sur le système des brevets en Europe
  8. « Quel système de propriété intellectuelle pour la France d'ici 2020 ? », rapport du groupe de prospective de la propriété intellectuelle pour l'Étatstratège (PIETA), 2006
  9. Entretien avec Ingrid SCHNEIDER, chercheuse en science politique à l'Université de Hambourg, pour les « Scénarios pour le futur » de l'OEB, 2006
  10. Entretien avec Thierry Stoll, directeur général adjoint pour le marché intérieur et les services, Commission européenne, et Jacqueline Minor, directrice en charge de l'économie basée sur la connaissance, Commission européenne, pour les « Scénarios pour le futur » de l'OEB, 2006
  11. Entretien avec le professor Joseph Straus, directeur de l'Institut Max Planck pour le droit de la propriété intellectuelle, le droit de la concurrence et le droit fiscal de Munich, pour les « Scénarios pour le futur » de l'OEB, 2006
  12. Entretien avec Thierry Sueur, vice-président du département de la propriété intellectuelle d'Air Liquide et membre de l'UNICE, et Jacques Combeau, département de la propriété intellectuelle d'Air Liquide,, pour les « Scénarios pour le futur » de l'OEB, 2006
  13. « Gouvernance de l'OEB : le point de vue du personnel », document CA/93/07 soumis par les représentants du personnel via le président de l'Office européen des brevets au Conseil d'administration de l'OEB, le 4 juin 2007
  14. « Options politiques pour l'amélioration du système européen des brevets », STOA (comité d'évaluation des choix scientifiques et technologiques du Parlement européen), septembre 2007
  15. Lettre du 15 décembre 2008 de l'Union syndicale de l'Office européen des brevets (SUEPO) au blog IAM
  16. « La gouvernances des droits européens de propriété intellectuelle : vers une approche communautaire différenciée », Evisa Kica et Nico Groenendijk, Centre pour les études européennes (CES) et département d'études juridiques et économiques (LEGS) de l'université de Twente, dans : AIC 2009 : quatrième conférence annuelle GARNET, Rome, Italie, du 11 au 13 novembre 2009
  17. « Questions politiques actuelles sur la gouvernance du système européen des brevets », STOA (comité d'évaluation des choix scientifiques et technologiques du Parlement européen), mars 2010
  18. « Gouvernance des offices des brevets et qualité du système des brevets », Pierre Picard et Bruno Van Pottelsberghe de la Potterie, Centre de recherche en économie politique, article de discussion No. DP8338, avril 2011
  19. Note d'analyse n° 324 du Centre d'analyse stratégique, mars 2013

Résolution du Parlement européen sur la décision de l'Office européen des brevets concernant la délivrance du brevet no EP 695 351, le 8 décembre 1999 (P5_TA(2000)0136), le 30 mars 2000

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I. considérant que toutes les informations doivent être communiquées au public et que l'Union doit jouer un rôle de chef de file dans la promotion du débat public; considérant que l'OEB est un organisme agissant en tant que juge et partie, dont les attributions et procédures doivent être révisées,

9. demande la révision des règles de fonctionnement de l'OEB de façon à garantir que cet organisme puisse publiquement rendre des comptes dans l'exercice de ses fonctions et de façon à modifier ses règles de fonctionnement afin qu'il puisse de sa propre initiative annuler un brevet;

Position du Parlement européen arrêtée en première lecture le 24 septembre 2003 en vue de l'adoption de la directive 2003/…/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur (P5_TC1-COD(2002)0047), le 24 septembre 2003

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(9) Dans sa résolution du 30 mars 2000 sur la décision de l'Office européen des brevets en ce qui concerne le brevet n° EP 695 351 délivré le 8 décembre 1999 [JO C 378 du 29.12.2000, p. 95], le Parlement européen a de nouveau demandé une révision des règles de fonctionnement de l'Office afin d'assurer un contrôle public de l'exercice de ses fonctions. À cet égard, il serait particulièrement opportun de remettre en cause la pratique qui amène l'Office à se rétribuer sur les brevets qu'il délivre, dans la mesure où cette pratique nuit au caractère public de l'institution.

« L'économie de l'immatériel - La croissance de demain », rapport de Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de la France, le 16 mars 2006

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Aucune autorité politique ne participe donc au conseil d'administration de l'OEB. Il en résulte un manque de légitimité politique pour traiter des questions stratégiques : quelle doit être la politique de brevetabilité ? Faut-il ouvrir la brevetabilité à de nouveaux champs ? Assouplir l'application de certains critères ou au contraire la renforcer ? Au lieu de cela, les débats se concentrent sur le management quotidien de l'OEB, ce qui entre certes dans les compétences du conseil d'administration mais ne saurait être le thème exclusif de discussion d'un organe chargé d'assurer le contrôle de la politique de délivrance des brevets. RECOMMANDATION N°41 : La Commission considère que la France devrait lancer une refondation politique de l'OEB : tout d'abord en renforçant la légitimité politique de l'OEB par la participation à son conseil d'administration de représentants des autorités politiques des États membres.

Résolution du Parlement européen sur la future politique des brevets en Europe (P6_TA(2006)0416), le 12 octobre 2006

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C. considérant les préoccupations croissantes au sujet de brevets indésirables dans différents domaines et au sujet de l'absence de contrôle démocratique du processus selon lequel les brevets sont attribués, validés et défendus;

2. rappelle à la Commission que les propositions législatives doivent s'accompagner d'une sérieuse étude d'évaluation d'impact en ce qui concerne la qualité des brevets, la bonne gouvernance du système des brevets, l'indépendance judiciaire et le coût des litiges;

Présentation d'Ingrid Schneider, chercheuse en science politique à l'Université de Hambourg, à l'atelier organisé par le STOA (comité d'évaluation des choix scientifiques et technologiques du Parlement européen) sur les options politiques pour le système des brevets européen, le 9 novembre 2006

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Délivrance [des brevets] + décisions des Chambres de recours = interprétation de la CBE = prise de décision politique implicite, masquée comme n'étant guère qu'une application technique et administrative du droit

Borrás, Susana (2006): « La gourvernance du système européen des brevets : efficace et légitime ? » dans Economy and Society, Volume 35, no. 4, pp. 594-610.

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L'analyse de l'actuel système européen des brevets montre un tableau incomplet en ce qui concerne la réussite d'une gouvernance en réseau. Le système possède relativement peu de formes de « contre-pouvoirs » formelles et celles-ci sont faiblement liées, ce qui semble insufisant pour guarantir la qualité des brevets et des évolution judiciaires, dans le contexte actuel d'une pression quantitative accrue (des demandes et des brevets octroyés).

La faiblesse des liens dans les « contre-pouvoirs » formels pourrait être améliorée, grâce à une volonté politique formelle de créer un ensemble beaucoup plus idversifié de méchanismes assurant la qualité des brevets octroyés et celle des procédures de poursuite/contentieux garantissant une utilisation loyale. Certains de ces mécanismes pourraient par exemple consister à autoriser l'OEB lui-même à inition une procédure d'opposition contre un brevet qui pour une raison ou pour une autre a échapé aux filtres de contrôle de qualité interne dans la procédure de demande ; à renforcer les liens entre les décision judiciaires nationales sur la validité d'un brevet et la procédure de demande de brevets similaires ; ou à améliorer les liens entre l'UE et l'OEB.

Documents transmis par la Commission européenne à des PME lors d'une consultation en 2006 sur le système des brevets en Europe

Source, traduction par nos soins

Alors qu'il est à la base un office délivrant des brevets, l'OEB a l'ambition de piloter la politique des brevets aux niveaux européen et international. Il a sa propre culture d'entreprise, avec une compréhension minime de ce qui se passe à Bruxelles dans un contexte plus global. Les initiatives de Bruxelles impliquant des modifications au système multilatéral du brevet européen sont considérées comme des attaques contre les Saintes Écritures. L'OEB est étroitement lié aux offices des brevets nationaux et beaucoup moins au niveau ministériel des États membres. Récemment, l'OEB a été l'objet de critiques croissantes de la part d'euro-députés et de divers États membres de l'UE sur son manque de contrôle politique.

« Quel système de propriété intellectuelle pour la France d'ici 2020 ? », rapport du groupe de prospective de la propriété intellectuelle pour l'Étatstratège (PIETA), 2006

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Si l'OEB doit normalement œuvrer au service de la société dans son ensemble, il semble en fait avoir tendance à se considérer trop exclusivement comme au service des seuls déposants. Ce biais en faveur de la délivrance des brevets tient à des raisons multiples, notamment financières et de facilité. Il renvoie également à une logique de clientélisme, dans la mesure où il découle aussi de l'idée fallacieuse selon laquelle le déposant serait un client. Ceci se traduit par exemple par le fait que la démarche de l'OEB en matière de qualité est fondée principalement sur des enquêtes de satisfaction adressées aux seuls déposants.

Cette situation n'est pas non plus étrangère au fait que le conseil d'administration de l'OEB est actuellement surtout constitué de représentants non seulement des utilisateurs mais aussi – et presque exclusivement – des offices nationaux. Or les représentants des offices nationaux, c'est-à-dire généralement les directeurs de ces offices, sont par nature mal placés pour remettre en cause les intérêts de leur propre maison. […] Dans l'ensemble du conseil d'administration de l'OEB, malgré tout, les représentants des pays membres tendent actuellement à tirer le plus possible de revenus pour leurs propres offices, compte tenu de la manne importante que représentent les taxes perçues.

Entretien avec Ingrid SCHNEIDER, chercheuse en science politique à l'Université de Hambourg, pour les « Scénarios pour le futur » de l'OEB, 2006

Source, traduction par nos soins

Les jugements sur la brevetabilité de nouveaux développements techniques et de nouveaux objets sont inhérents et inévitables. Par conséquent, jusqu'à un certain point, ces décisions doivent certainement être laissées à la discrétion de l'OEB. D'un autre côté, les décisions sur l'éligibilité au brevet sont des actes authentiquement politiques, qui devraient être réservés au législateur. L'interface entre l'OEB et les législateurs européens et nationaux devrait donc être renforcée, et des systèmes de remontée de l'information être établis. En tant qu'obligation volontaire qu'il s'appliquerait à lui-même, l'OEB devrait fournir des rapports annuels qualitatifs sur ses pratiques d'octroi et sur les décisions (en attente) de ses chambres de recours. Cela permettrait au législateur européen d'intervenir sur la politique en matière de brevets, soit par une régulation législative, soit en formant une opposition contre les brevets récemment délivrés. L'OEB devrait également admettre les limites de ses propres compétences en tant qu'organe exécutif. Dans les affaires sensibles ou concernant des décisions sur l'éligibilité au brevet et la portée des brevets dans de nouveaux domaines techniques, il devrait demander le soutien consultatif des législateurs nationaux et européens ou de la Cour de justice [de l'Union européenne]. Une législation spécifique, détaillant les exceptions à l'éligibilité au brevet, ou tout au moins ses limites externes, fournirait une plus grande assistance à l'OEB et aux tribunaux pour déterminer la brevetabilité. En outre, l'OEB devrait aider le législateur européen en surveillant les demandes sur des sujets sensibles, et ainsi utiliser l'information des brevets comme un système d'alerte avancé. Cela permettrait aux activités de régulation extérieures au droit des brevets d'être abordées par les mécanismes de régulation de l'UE, tels que le financement de la recherche, les régulations en matière de santé, d'environnement ou anti-concurrentielles. Il s'en suit que l'équilibre des pouvoirs entre l'UE et l'OEB devrait être établi. Bien que l'OEB ne soit pas une institution de l'Union européenne, tous deux font partie d'un cadre plus large de la gouvernance européenne. La politique en matière de brevets doit résulter d'une communication adéquate et d'une coordination politique entre les multiples niveaux nationaux et supranationaux, ainsi qu'en les organes législatif, judiciaire et exécutif.

Entretien avec Thierry Stoll, directeur général adjoint pour le marché intérieur et les services, Commission européenne, et Jacqueline Minor, directrice en charge de l'économie basée sur la connaissance, Commission européenne, pour les « Scénarios pour le futur » de l'OEB, 2006

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La conséquence immédiate de cette évolution techinque est que l'un des problème qui devient critique est le manque actuelle de gouvernance politique dans le domaine des brevets. C'est tout à fait en rapport avec l'OEB : celui-ci ne peut pas continuer à regarder les brevets comme étant une question purement technique, dans laquelle les brevets sont délivrés et ensuite utilisés dans un exercice purement technique et économique – la vraie question est de savoir si le monde politique exerce suffisamment d'influence.

[…] sans aucun doute la gouvernance de la propriété intellectuelle sera une question majeure pour le futur. À la fois aux États-Unis et au Japon, elle est lié aux processus politiques, mais l'Europe souffre d'une dichotomie : peu de véritable influence politique dans le processus de prise de décision sur les brevets en Europe et une organisation d'octroi des brevets qui agit également en temps que porte-parole des brevets en Europe. Le système trilatéral (USPTO, JPO et OEB) semble se développer vers une instance proto-gouvernante pour les brevets, de manière globale, et tandis que deux des parties sont sujettes à un certain degré d'obligation de rendre des comptes, la troissième ne l'est pas. Le fossé entre l'influence politique et le côté administratif des brevets devra se refermer, et si cela ne se produit pas volontairement, alors il sera rétrécit par le débat, parfois un débat irrationnel, au Parlement européen.

Tout ceci indique un besoin d'un plus grande coopération à l'avenir. Idéalement, si nous avions un brevet communautaire, nous aurions une agence communautaire et une procédure convenue négociée selon un ensemble complexe de règles négociées au sein de la Commission. Bien que ce scénario pourrait être idéal pour l'avenir, il n'est pas réaliste, puisqu'il n'y a pas actuellement de brevet communautaire.

La Commission européenne siège au Conseil d'administration en tant qu'observateur et idéalement, si le brevet communautaire entrait en vigueur, la Commission pourrait alors parler pour les 25 membres. Dans la situation actuelle, un avantage flagrant de l'OEB est qu'il s'agit d'une structure qui fonctionne, et si l'Union européenne apportait une égide polilitique, nous aurions une situation ou les deux seraient gagnants.

Ceci vient à nouveau à l'appui d'une demande pour plus d'implication politique dans le fonctionnement du conseil d'administration de l'OEB, afin d'assurer l'acceptabilité politique des décisions sur la délivrance d'un brevet et d'éviter une accumulation de décisions comme cela semble être le cas en ce moment : lentement mais sûrement vers une baisse du niveau des brevets.

Le monde des brevet est un petit monde, et en ce qui concerne la gouvernance, l'influence des agents, des avocats et des juges des brevets sur la prise de décision au niveau européen est souvent intéressée. L'échec du brevet communautaire est dû à des intérêts particuliers.

Entretien avec le professor Joseph Straus, directeur de l'Institut Max Planck pour le droit de la propriété intellectuelle, le droit de la concurrence et le droit fiscal de Munich, pour les « Scénarios pour le futur » de l'OEB, 2006

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Une faiblesse du système des brevets en Europe est que l'OEB n'a pas de mandat politique pour s'occuper du système des brevets et de la politique d'innovation pour l'Europe. L'OEB n'est mandaté que pour administrer et faire évoluer la Convention, pour délivrer des brevet et pour offrir de l'aide aux pays en voie de développement. Pour remplir sa mission – d'œuvrer au bénéfice des citoyens européens – l'OEB devrait faire partie du cadre juridique de l'Union européenne, mais avec un statut spécifique.

Entretien avec Thierry Sueur, vice-président du département de la propriété intellectuelle d'Air Liquide et membre de l'UNICE, et Jacques Combeau, département de la propriété intellectuelle d'Air Liquide,, pour les « Scénarios pour le futur » de l'OEB, 2006

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Au sein de la sphère politique, il y a plusieurs problèmes à résoudre : dans le domaine des biotechnologies, dans celui des logiciels, le brevet communautaire. Cependant, je suis convaincu que la manière dont l'OEB est dirigé aujourd'hui (par le Conseil d'administration) est telle que cela signifiera soit la mort de l'OEB, soit sa transformation en vache à lait. La question du management devient de plus en plus importante au fur et à mesure que l'organisation grossit.

[La question serait :] qu'est-il nécessaire de faire pour que la politique sur les brevets fasse partie de l'ordre du jour politique de l'Union européenne ? La direction politique du système est la clé de l'avenir et, avec un peu de chance, le brevet communautaire pourra conduire à ça.

« Gouvernance de l'OEB : le point de vue du personnel », document CA/93/07 soumis par les représentants du personnel via le président de l'Office européen des brevets au Conseil d'administration de l'OEB, le 4 juin 2007

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C'est un fait qu'une majorité (à l'heure actuelle, environ les deux tiers) des dirigeants des délégations occupent un poste dans un office national des brevets. Ce document soutient ci-dessous que cela mène à un conflit d'intérêts qui est clairement perçu comme tel par le personnel de l'OEB.

Il existe une forte présomption au sein du personnel que les bénéfices financiers des États membres, provenant des taxes de renouvellement, encouragent le Conseil d'administration, et par cons"quant l'administration de l'OEB, a se concentrer davantage sur la quantité plutôt que sur la qualité des brevets octroyés.

« Options politiques pour l'amélioration du système européen des brevets », STOA (comité d'évaluation des choix scientifiques et technologiques du Parlement européen), septembre 2007

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Cependant, pour des raisons relative à son développement historique, le système européen des brevet est parfois perçu comme étant assez isolé du reste de l'UE, sur un plan politique et vis-à-vis de la société prise au sens large. C'est un point critique car les questions relative aux brevets sont désormais plus que jamais intégrées aux réflexions sur les politiques d'innovation au niveau de l'UE. Les brevets, ainsi que d'autres droits de propriété intellectuelle, ne sont plus des domaines spécialisés à part, hors du champ des problématiques sociales et économiques générales. En conséquence, le système européen des brevets est une composante importante du fonctionnement actuel et des futurs évolutions au niveau communautaire et cette relation doit être prise en compte.

Lettre du 15 décembre 2008 de l'Union syndicale de l'Office européen des brevets (SUEPO) au blog IAM

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Les dirigeants des délégations nationales au Conseil d'administration sont presque sans exception dirigeants de leurs offices nationaux respectifs. Pour la plupart des offices nationaux, leur part de 50% des taxes annuelles [de l'OEB] constitue une proportion très substantielle de leur budget annuel (dans plusieurs cas, bien au dessus de 50%). Dans leurs fonctions de dirigeants des offices nationaux, ces dirigeants des délégations ont ainsi un intérêt à avoir de nombreux brevets délivrés, et à ce qu'ils soient délivrés rapidement.

« La gouvernances des droits européens de propriété intellectuelle : vers une approche communautaire différenciée », Evisa Kica et Nico Groenendijk, Centre pour les études européennes (CES) et département d'études juridiques et économiques (LEGS) de l'université de Twente, dans : AIC 2009 : quatrième conférence annuelle GARNET, Rome, Italie, du 11 au 13 novembre 2009

Source, traduction par nos soins

En outre, cela a mis l'accent sur le bespoin que la législation de l'UE intervienne dans la démocratisation de la gouvernance des brevets et étende le cadre réglementaire de la protection de la propriété intellectuelle d'une régulation sur les seuls matériaux bitotechnologiques « classiques » (techniques alimentaires, traitement microbiologique des eaux usées, etc.) à l'établissement de cadres réglementaires appropriés sur les questions spécifiques au sein de ce domaine (i.e. les nouvelles variétés animales et végétales).

Au-delà du manque de clarté sur les standards et le critères de brevetabilité de nouveaux objets, le manque de collaboration entre les offices de brevets nationaux et les examinateurs des brevets européens, ajouté à la charge de travail associée aux examens de brevets, ont contribué de manière significative à l'incapacité du système de s'accomoder à la diversité croissante des objets brevetables.

« Questions politiques actuelles sur la gouvernance du système européen des brevets », STOA (comité d'évaluation des choix scientifiques et technologiques du Parlement européen), mars 2010

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Dans les économies basées sur la connaissance, les moyens de génération, d'accès, de diffusion et de distribution de la connaissance (dans les sciences et les technologies) sont devenus décisifs pour le développement sociétal et pour des domaines importants du débat politique.

Le système européen des brevets est caractérisé par une prise de décisions technocratique. Il manque de légitimité démocratique et d'obligation de rendre des comptes, et est devenu de plus en plus inefficace (Schneider, 2006). L'UE et l'OEB sont deux mondes séparés : ce sont deux instances supranationales complètement indépendante et l'OEB n'est pas soumis aux décisions de l'UE.

L'auto-gouvernance de l'OEB se base principalement sur l'interaction entre les déposants et l'OEB lui-même,et entre les départements délivrant les brevets et les chambres de recours (instances quasi-judiciaires).

L'OEB est une institution qui s'auto-finance avec les taxes des détenteurs de brevets. Les intérêts de parties autres que les déposants ne sont pas représentés et il existe un risque de capture de la part des déposants, qui peuvent être vus comme des clients à satisfaire. En outre, ses limites pour l'éligibilité à obtenir un brevet s'étendent, l'OEB couvre une grande étendue de brevets à accorder et demande un faible niveau d'activité inventive. Tout ceci pose des problèmes de qualité des brevets mais également de pouvoir. Il existe deux aspects critiques : une tendance inhérente à l'expansionisme et le fait que l'innovation doive être qualifiée en termes d'efficacité, de soutenabilité et de désirabilité sociale.

Les questions de séparation des pouvoirs, d'obligation de rendre des comptes, de démocratie, de légitimité et de contrôle sont de la plus haute importance. Il est peut-être nécéssaire de rééquilibrer la gouvernance du système de brevets, en introduisant un rôle plus important de l'Union européenne, une démocratisation accrue, une régulation législative du droit matériel des brevets dans des domaines techniques nouveaux et en améliorant la réceptivité du Parlement européen sur les questions de droits de propriété intellectuelle dans les domaines suivants :

  • le domaine public et la science « ouverte » ;
  • les limites éthiques ;
  • la santé publique et les questions de coût ;
  • l'efficacité ; et
  • les moyens alternatifs d'innovation (par ex. le logiciel libre).

« Gouvernance des offices des brevets et qualité du système des brevets », Pierre Picard et Bruno Van Pottelsberghe de la Potterie, Centre de recherche en économie politique, article de discussion No. DP8338, avril 2011

Source, traduction par nos soins

Il est important de discuter brièvement de la mission et de la gouvernance des offices de brevets. Dans la plupart des cas, les définitions de mission des offices de brevets se limitent aux engagements sur l'encadrement approprié des droits de propriété intellectuelle et sur la contribution à l'innovation, la compétitivité et la croissance. La mission comprend généralement des fonctions administratives, telles que les procédures de recherche et d'examen des dispositions sur les brevets, ainsi que des fonctions de conseil auprès des gouvernements sur le droit de la propriété intellectuelle. En ce sens, on peut voir les offices comme établissant et justifiant eux-mêmes leurs propres objectifs.

La structure de gouvernance entraîne également des conséquences sur la formulation des objectifs des institutions. En particulier, l'OEB est une organisation internationale dirigée par un Conseil d'administration (dans ce que l'on appelle l'Organisation européenne des brevets) qui rassemble les représentants des offices nationaux des brevets (ou des États contractants). En tant qu'organisation intergouvernementale, on exige de l'OEB qu'il équilibre son budget car les États contractants sont obligés de (mais réticents à) financer tout déficit. La structure de gouvernance est sujette à des conflits d'intérêts car, d'une part, certains offices nationaux des brevets sont quelque part en concurrence pour les dépôts de brevets et, d'autre part, parce que les offices nationaux des brevets reçoivent les recettes des renouvellements des brevets délivrés par l'OEB. On pourrait par conséquent critiquer que le Conseil d'administration favorise davantage la quantité plutôt que la qualité des brevets, car cette stratégie est censée rapporter des revenus aux offices nationaux des brevets et entretenir leur demande nationale de brevets.

Note d'analyse n° 324 du Centre d'analyse stratégique, mars 2013

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les brevets logiciels offrent la possibilité d'obtenir un monopole sur des techniques algorithmiques, y compris lorsque celles-ci sont nécessaires pour assurer la sécurité. L'article 52 de la Convention sur le brevet européen de 1973 exclut les "programmes d'ordinateur" du champ des inventions brevetables, mais l'Office européen des brevets (OEB) délivre en pratique des brevets logiciels en raison d'une interprétation extensive de la Convention et d'un modèle économique et de gouvernance discutable.