Le Parlement européen évite la catastrophe mais le brevet unitaire n'est pas encore sauvé

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Paris/Strasbourg, le mardi 3 juillet 2012. Communiqué de presse.

Mardi 3 et mercredi 4 juillet 2012, le Parlement européen devait débattre puis voter sur le brevet unitaire. Mais l'ensemble des parlementaires européens se sont rebellés contre la volonté du Conseil européen de modifier substantiellement et à la dernière minute le texte : il leur était demandé, in fine, de n'être qu'une simple chambre d'enregistrement. Lundi 2 juillet 2012, ils ont, à l'unanimité, repoussé le vote et renvoyé le texte en commission pour y être à nouveau examiné1.

Le brevet unitaire est un projet discuté depuis plusieurs années, qui vise à mettre en place un titre de brevet unique pour la plupart des pays membres de l'Union européenne ainsi qu'une juridiction unifiée pour ces brevets. Si l'idée d'un titre unique n'est pas problématique en elle-même, la forme du projet actuel inquiète fortement l'April, car il donnerait tout pouvoir à l'Office européen des brevets (OEB), tristement connu pour sa position en faveur des brevets logiciels2.

Vendredi 29 juin 2012, les chefs d'État et de gouvernement, François Hollande et Angela Merkel en tête, avaient concédé à David Cameron le retrait des dispositions organisation le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) des litiges concernant les brevets unitaires3.

Selon Lionel Allorge, président de l'April : « Alors que Fleur Pellerin nous avait assuré qu'elle souhaitait que “la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) soit le juge en dernier ressort de la politique des brevets en Europe”4, François Hollande a fait l'exact opposé en acceptant un système de brevet abandonné au microcosme des juges et avocats spécialisés, en dehors de tout contrôle démocratique. Il est triste de constater que les dirigeants de l'UE préfèrent sacrifier aux effets d'annonce les mesures responsables permettant de choisir une politique de l'innovation favorable à la croissance, aux entreprises et aux citoyens européens, mais il est aussi réconfortant de voir l'attachement du Parlement européen aux règles démocratiques ».

Les eurodéputés, et plus particulièrement Bernard Rapkay, rapporteur du projet, ont en effet eu des mots très durs pour critiquer la décision du Conseil. Dans son intervention demandant le report du vote, il a ainsi indiqué que faire des tels changements serait une "violation scandaleuse" de la procédure qui ne s'est jamais vue par le passé. Il a été soutenu en cela par le président de la commission des affaires juridiques, Klaus-Heiner Lehne, qui a souligné que la demande du Conseil d'éliminer les articles 6 à 9 "émasculerait" la proposition, qui irait alors directement devant la Cour de justice européenne en raison de son illégalité5.

Une nouvelle lecture aura donc lieu en Commission des affaires juridiques (JURI), probablement la semaine prochaine. Si la position du Conseil devait prévaloir, cela signifierait que le système européen des brevets serait totalement hors de contrôle de toute instance démocratique : son pouvoir législatif serait assuré par les directeurs des offices de brevets nationaux au sein du Conseil d'administration de l'Office européen des brevets (OEB), et non par les Parlements, nationaux ou européen. Le Conseil d'administration de l'OEB disposerait du pouvoir exécutif lié à la délivrance des brevets. Et l'autorité judiciaire serait exercée par la nouvelle cour unifiée des brevets, dont la composition par des juges spécialisés ne laisse que peu de doute sur son alignement avec les pratiques de l'OEB.

Gérald Sédrati-Dinet, conseil sur les brevets pour l'April, rappelle qu' « à l'encontre de l'esprit et de la lettre du droit européen, l'OEB accorde des dizaines de milliers de brevets logiciels. La nocivité de ces derniers pour l'économie de l'innovation a été démontrée aux États-Unis6. Avec les propositions sur le brevet unitaire et la cour unifiée des brevets, plus rien n'empêcherait l'Europe de connaître de tels désastres ».

Rien n'est cependant encore joué, et de nouvelles discussions sur ce texte auront lieu à partir de la semaine prochaine. Si le Parlement vient d'éviter une illégalité flagrante du texte, il n'en reste pas moins que le texte reste déséquilibré et entachés d'insécurités juridiques7. L'April appelle donc les citoyens à se mobiliser afin de sensibiliser leurs eurodéputés sur les dangers que présentent ce texte et les amendements que nous proposons pour le corriger. Des outils sont à votre disposition pour le faire.

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Ce communiqué a initialement été publié sur le site web de l'April.